Du collectivisme au croissant : la trajectoire de Roger Garaudy comme présage de la métamorphose idéologique de l’Europe et l’impératif de défendre la chrétienté.

Peu de figures incarnent avec autant de vivacité les mutations idéologiques que Roger Garaudy.

Né en 1913 à Marseille, en France, Garaudy a parcouru un chemin semé d’embûches : d’un catholicisme fervent dans sa jeunesse, en passant par les dialectiques « rigoureuses » du marxisme, jusqu’à l’étreinte de l’islam en 1982. 

Cette odyssée personnelle, jalonnée de conversions et de controverses, m’apparaît comme un microcosme des destinées de l’Europe. 

Le parcours de Garaudy – du zèle collectiviste du communisme à la soumission spirituelle de l’islam – préfigure, à mes yeux, une trajectoire possible du continent, et face à laquelle je m’oppose bien sûr. 

Dans une ère où l’Europe affronte l’érosion du sécularisme, des transformations démographiques et des quêtes spirituelles renaissantes, cette trajectoire invite un examen stratifié. 

À travers des prismes sociologiques, philosophiques et spirituels, cet article explore si la vie de Garaudy reflète un pivot potentiel de l’Europe, du matérialisme collectiviste vers une renaissance islamique, tout en plaidant pour la défense et la promotion de la chrétienté, portée par une évangélisation croissante, comme rempart essentiel à l’identité européenne.

La biographie de Garaudy ressemble à une chronique de l’évolution idéologique. 

Issu d’une famille protestante, il s’engage dans la théologie avant de bifurquer vers la philosophie, obtenant son doctorat en 1936. 

Le tumulte de l’entre-deux-guerres l’attire dans le Parti communiste français (PCF), où il devient un théoricien majeur, réconciliant marxisme et “humanisme” dans des œuvres comme “Les Sources françaises du socialisme scientifique”. 

Emprisonné pendant la Seconde Guerre mondiale pour ses activités de résistance, Garaudy émerge après la Libération comme un parlementaire et un intellectuel éminent, dialoguant avec des existentialistes comme Jean-Paul Sartre. 

Pourtant, la désillusion s’installe ; sa critique de l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie en 1968 entraîne son exclusion du PCF en 1970. 

Cette rupture le propulse vers des dialogues œcuméniques, aboutissant à sa conversion à l’islam à l’âge de 69 ans, sous le nom de « Ragaa ». 

Ce virage, fruit de décennies d’engagement avec la pensée islamique et de rencontres avec des intellectuels musulmans, reflète une quête de synthèse au-delà du matérialisme occidental. 

Après sa conversion, Garaudy publie des textes comme “L’Islam habite notre avenir”, plaidant pour l’islam comme rempart contre les excès capitalistes.

À travers Garaudy, je discerne un prototype d’un destin européen où le paysage idéologique, jadis dominé par le socialisme collectiviste, cède à des dynamiques multiculturelles. 

L’effondrement des utopies collectivistes – ces grands récits marxistes promettant une société sans classes – a laissé un terrain fertile pour des spiritualités orientales, notamment l’islam, qui recyclent les thèmes anticapitalistes sans leur athéisme militant originel. 

Cet athéisme militant, pilier du marxisme-léninisme, se définit par son rejet agressif de toute transcendance, érigeant la raison matérialiste en dogme et reléguant la religion à une « aliénation » à éradiquer. 

Inspiré par Marx, qui qualifiait la religion d’« opium du peuple », cet athéisme s’est incarné dans des politiques coercitives : en URSS, des milliers d’églises furent fermées et des prêtres persécutés ; en France, le PCF des années 1950-1960 prônait un sécularisme radical, rejetant les institutions religieuses comme obstacles à la révolution. 

Cet athéisme militant, en niant la dimension spirituelle de l’homme, a aliéné des segments de la classe ouvrière et des intellectuels comme Garaudy, qui cherchaient une synthèse entre justice sociale et transcendance. 

L’échec de cette posture, illustré par la chute de l’URSS en 1991 et la désaffection du PCF (de 20 % des voix en 1978 à moins de 2 % en 2025), a créé un vide idéologique. 

L’islam, notamment dans ses courants politiques, s’est engouffré dans cette brèche, offrant une vision communautaire qui reprend les critiques marxistes du capitalisme – exploitation, inégalités, impérialisme – mais les ancre dans une transcendance divine.

Des figures comme Sayyid Qutb, dans “Milestones” (1964), articulent une critique islamiste du matérialisme occidental, reprenant des accents marxistes sans l’athéisme, prônant une umma universelle comme alternative à la lutte des classes. 

Cette dynamique, incarnée par Garaudy, menace l’héritage chrétien, qui doit être défendu et promu, notamment par une évangélisation croissante, comme socle de l’identité européenne.

Sociologiquement, ce glissement du collectivisme vers un islam ascendant s’appuie sur des tendances démographiques et culturelles. 

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe importe une main-d’œuvre de pays musulmans, posant les bases d’une présence islamique durable. 

En 2025, la population musulmane atteint 46 millions, soit 6 % des 745 millions d’Européens. 

Le Pew Research Center prévoit une hausse à 7-14 % d’ici 2050, portée par une natalité de 2,6 enfants par femme musulmane contre 1,5 pour la moyenne européenne.

En Allemagne, les musulmans, majoritairement turcs, représentent 7 % de la population ; en France, ils sont 5,7 millions. 

Ce dynamisme coïncide avec l’érosion du collectivisme, fracturé par la mondialisation et la désindustrialisation. 

Une étude polonaise de 2021 montre un virage vers l’individualisme entre 2003 et 2018, tandis que les partis socialistes perdent 30 % de leurs voix depuis 1990. 

Ce vide sociétal, amplifié par une sécularisation où seuls 22 % des Européens assistent à un culte en 2025, favorise une islamisation démographique. 

Cependant, un contre-mouvement émerge : l’évangélisation croît en Europe, portée par des mouvements charismatiques et évangéliques. 

En France, les églises évangéliques ont vu leur fréquentation augmenter de 15 % entre 2015 et 2025, avec 700 000 pratiquants, selon le Conseil national des évangéliques de France. 

En Pologne et en Hongrie, les écoles chrétiennes et les festivals religieux attirent des jeunes, avec une hausse de 10 % des baptêmes depuis 2020. 

Ces efforts, bien que minoritaires, signalent un renouveau chrétien qui doit être amplifié pour contrer l’islamisation et réaffirmer les racines chrétiennes.

Sur le plan philosophique, la transition de Garaudy évoque une dialectique hégélienne inversée, où la thèse collectiviste marxiste rencontre son antithèse dans l’islam, forgeant une synthèse potentiellement totalitaire. 

Dans le cas de Garaudy, la thèse marxiste, ancrée dans le collectivisme matérialiste et la promesse d’une société sans classes, se heurte à son antithèse islamique, qui propose un cadre spirituel et communautaire rejetant le matérialisme occidental tout en conservant les critiques anticapitalistes. 

Cette inversion réside dans le renversement de l’optimisme progressiste de Hegel : au lieu d’avancer vers une liberté universelle, la synthèse risque une clôture totalitaire, car le marxisme et l’islam politique partagent une propension à des visions totalisantes, que ce soit par la lutte des classes ou l’unité théocratique. 

Le marxisme humaniste de Garaudy, influencé par Lukács, cherchait une rédemption collective à travers la praxis historique, mais son exclusion du PCF a révélé les limites du déterminisme matérialiste face à la bureaucratie stalinienne. 

Son passage à l’islam, inspiré par le rejet de la fragmentation séculière, remplace le progrès linéaire du marxisme par une eschatologie cyclique, orientée vers le divin, où l’umma transcende les divisions de classe. 

Cependant, cette synthèse porte un potentiel autoritaire, car l’islam politique, comme le marxisme, exige souvent une allégeance absolue, marginalisant les libertés individuelles. 

Maxime Rodinson note que le communisme emprunte des traits religieux – promesses messianiques, hiérarchies sacerdotales. 

L’effondrement de l’URSS a libéré un espace pour l’islam politique, qui recycle l’anticapitalisme marxiste, comme l’explore Gilbert Achcar dans “L’Islam politique : une analyse marxiste” (2016). 

Cette convergence érode les fondements laïcs de l’Europe, rendant impérative la promotion de la chrétienté, dont la synthèse de foi et de raison (Thomas d’Aquin) offre une alternative robuste pour préserver la dignité individuelle et la responsabilité collective.

Sur le plan spirituel, la trajectoire de Garaudy illumine une quête transcendante qui pourrait séduire une Europe en mal de sens, mais souligne l’urgence de revitaliser la chrétienté par l’évangélisation. 

Sa conversion en 1982, influencée par “Le Livre vert” de Kadhafi, reflète une résistance à la marchandisation occidentale. 

Garaudy déclarait : « L’islam habite notre avenir parce qu’il refuse la division entre le sacré et le profane. » 

Dans une Europe où 25 % des habitants sont « sans affiliation religieuse » (Pew, 2025), 5 000 Français se convertissent annuellement à l’islam, attirés par sa discipline communautaire. 

Pourtant, la chrétienté, portée par un élan évangélisateur, offre une réponse authentique. 

René Guénon anticipait un retour aux sagesses orientales, mais la chrétienté reste la voie enracinée pour l’Europe.

En conclusion, la trajectoire de Garaudy est un miroir prophétique. 

Sociologiquement, le déclin du collectivisme et l’essor islamique convergent, bien que l’évangélisation croissante offre un contrepoint. 

Philosophiquement, une hybridation marxiste-islamique défie le libéralisme via une dialectique hégélienne inversée. 

Spirituellement, l’islam répond à un vide que la chrétienté, revitalisée par l’évangélisation, doit combler. 

Défendre et promouvoir la chrétienté – via la Haute Culture, l’éducation, les institutions religieuses et un renouveau culturel – est impératif pour préserver l’identité européenne. 

Garaudy l’écrivait, « l’avenir n’est pas écrit, mais il appelle à être habité ». 

L’Europe doit remettre en avant ses racines chrétiennes pour éviter que le croissant ne se lève sur les ruines de ses utopies passées.

Marxisme culturel c’est quoi ?

🎥 Le Marxisme Culturel en France : Origines, Concepts et Implications 🎥 

Dans cette vidéo, je décortique le marxisme culturel, un courant qui redéfinit la lutte des classes en une bataille pour l’imaginaire collectif.

De ses racines post-68 aux idées d’Ernesto Laclau, Antonio Gramsci et Chantal Mouffe, découvrez comment la Haute Culture devient un champ de lutte pour l’hégémonie discursive. 📚💡

🎁 Bonus :

Analyse d’une vidéo d’Alain Soral, où il mélange et confond les concepts de marxisme culturel et freudo-marxisme.

👉 Une réflexion critique sur ses approximations ! 🫣😂

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Le “marxisme culturel” en France, ses origines, ses concepts, ses auteurs et ses implications. BONUS 🎁 Vidéo courte d’Alain Soral qui mélange et ne comprend pas les concepts et que j’analyse 🫣🤣

Résumé :
Le marxisme culturel français tisse une toile complexe, où les luttes d’idées se substituent aux combats des usines.
Loin des barricades et des chaînes de production, il s’inscrit dans une bataille pour l’imaginaire collectif, où le récit devient une arme, où la mémoire façonne les consciences.
Comme le disait Aristote, l’intelligence ne s’exerce pas directement sur les données brutes des sens, mais sur les formes ordonnées et conservées dans la mémoire.
Cette mémoire, bien plus que les livres d’histoire, est la Haute Culture, ce réservoir vivant de la vie commune, cette trame où s’entrelacent les récits, les symboles et les combats d’une nation.

C’est dans ce terreau que le marxisme culturel, porté par des penseurs comme Ernesto Laclau, a germé, transformant la lutte des classes en une stratégie d’hégémonie discursive.
Cet article explore les origines, les concepts, les auteurs et les implications de ce courant.

Les origines du marxisme culturel : une mutation du marxisme orthodoxe.
Le marxisme culturel trouve ses racines dans une remise en question du marxisme classique, celui de Karl Marx et Friedrich Engels.
Ces derniers voyaient dans la lutte des classes – l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat – le moteur de l’histoire.
Dans “Le Manifeste du Parti communiste » (1848), Marx écrivait : «l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes.»
Cette vision matérialiste, où les rapports de production déterminent la superstructure idéologique et culturelle, a dominé la pensée socialiste jusqu’au XXe siècle.
Cependant, les échecs des révolutions prolétariennes, l’essor du capitalisme organisé et les bouleversements sociaux des années 1960 ont conduit à une révision profonde de cette doctrine.
(https://www.maxicours.com/se/cours/la-vision-marxiste-des-classes-sociales-et-les-conflits-de-classes/)

En France, berceau des idées révolutionnaires, ce virage s’est opéré dans le sillage des événements de Mai 68.

Les émeutes étudiantes, loin de se limiter à une révolte ouvrière, ont révélé une pluralité de luttes : féministes, écologistes, anticoloniales, culturelles.
Ces mouvements, souvent détachés des stricts cadres économiques, ont mis en lumière l’insuffisance du marxisme orthodoxe, accusé de déterminisme économique et de réductionnisme.
C’est dans ce contexte que des penseurs comme Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, dans leur ouvrage “Hégémonie et stratégie socialiste“ (1985), ont proposé une refonte théorique, baptisée «post-marxisme».

Ce courant ne rejette pas Marx, mais le reinterprète, déplaçant le champ de bataille des usines vers les arènes symboliques de la culture et du discours.

Le marxisme culturel, dans sa variante française, s’inspire également de figures comme Antonio Gramsci, dont le concept d’hégémonie a révolutionné la compréhension des rapports de pouvoir.

Pour Gramsci, l’hégémonie n’est pas seulement une domination économique ou militaire, mais une conquête des esprits par la culture, les idées et les récits.
La classe dominante maintient son pouvoir non seulement par la force, mais par le «consentement» des dominés, obtenu via des institutions culturelles comme l’école, les médias ou la littérature.
Cette intuition, reprise et amplifiée par Laclau et Mouffe, a donné naissance à une nouvelle stratégie socialiste, où le contrôle du narratif devient central.
(https://www.cairn.info/revue-reseaux-2015-4-page-87.htm)

Ernesto Laclau : la stratégie d’hégémonie et le pouvoir du récit.
Ernesto Laclau, philosophe argentin exilé en Europe, est l’une des figures majeures du post-marxisme.
Avec Chantal Mouffe, il a redéfini la lutte socialiste dans “Hégémonie et stratégie socialiste”, un ouvrage qui marque une rupture avec le marxisme orthodoxe.

Laclau rejette l’idée que la lutte des classes soit l’antagonisme central de la société, proposant à la place une vision pluraliste où divers antagonismes sociaux – qu’ils soient de classe, de genre, de race ou autres – s’articulent autour de «signifiants vides».
Ces signifiants, comme «justice», «liberté» ou «peuple», sont des concepts flous, capables d’unir des demandes sociales hétérogènes dans une chaîne d’équivalences.

Dans cet ouvrage, Laclau et Mouffe écrivent : «le fait que tel ou tel antagonisme soit considéré comme pertinent dépend d’une articulation contingente des identités sociopolitiques.»

Cette idée centrale rompt avec le déterminisme marxiste, qui voyait dans les rapports de production la cause ultime des conflits sociaux.
Pour Laclau, le social est indéterminé, construit par des pratiques discursives.
La société n’est pas un bloc monolithique, mais un champ de luttes où des récits concurrents s’affrontent pour imposer leur vision du monde.
Ainsi, la stratégie d’hégémonie socialiste ne vise plus à organiser une révolution prolétarienne, mais à construire un imaginaire collectif capable de fédérer des groupes disparates autour d’un projet commun.

Laclau s’inspire ici de Gramsci, mais va plus loin.
Si Gramsci ancre l’hégémonie dans les conditions matérielles de la lutte des classes, Laclau la détache de ce fondement, la rendant purement discursive.
«Le social est le résultat de l’articulation contingente d’éléments autour de certaines configurations sociales – blocs historiques – qui ne peuvent être prédéterminées par aucune philosophie de l’histoire», déclare-t-il dans une interview de 1988.

Cette approche, qualifiée de post-structuraliste, emprunte à la linguistique de Saussure et à la psychanalyse de Lacan pour penser le politique comme un jeu de significations, où le pouvoir se conquiert par la maîtrise des récits.
(https://www.contretemps.eu/post-marxisme-ernesto-laclau/)

La Haute Culture : mémoire vivante de la vie commune.
La Haute Culture, au sens où nous l’entendons ici, n’est pas seulement l’ensemble des chefs-d’œuvre littéraires ou artistiques, mais la mémoire vivante d’une communauté, le creuset où se forgent les récits qui donnent sens à la vie collective.

Cette mémoire n’est pas un simple dépôt d’archives, mais un processus dynamique, où les récits du passé et les espoirs du futur s’entremêlent pour façonner l’imaginaire collectif.
(https://www.cairn.info/revue-reseaux-2015-4-page-87.htm)

En France, cette Haute Culture s’incarne dans des figures comme Victor Hugo, dont “Les Misérables” ne raconte pas seulement l’histoire d’un peuple, mais forge un mythe national de justice et de rédemption.
Elle se retrouve dans les chansons de Brel, les films de Godard, ou les pamphlets de Voltaire, qui tous participent à une conversation séculaire sur ce que signifie être français.
Le marxisme culturel, dans sa quête d’hégémonie, s’est emparé de cette Haute Culture pour y insuffler ses propres récits.

Les luttes pour l’égalité des genres, la reconnaissance des minorités ou la défense de l’environnement ne se contentent pas de revendications matérielles ; elles cherchent à réécrire la mémoire collective, à faire émerger un nouvel imaginaire où ces causes deviennent universelles.

Laclau, dans “La Raison populiste” (2005), souligne l’importance des «signifiants vides» dans ce processus.
Un terme comme «peuple» peut rassembler des groupes aux intérêts divergents – ouvriers, étudiants, paysans – en leur offrant une identité commune face à un adversaire désigné, comme «l’élite» ou «l’oligarchie».
Ce mécanisme, qui trouve un écho dans les mouvements populistes comme Podemos en Espagne ou La France Insoumise, illustre comment le marxisme culturel transforme la lutte des classes en une lutte pour le contrôle du récit collectif.
(https://laviedesidees.fr/Le-peuple-selon-Ernesto-Laclau)

Les auteurs du marxisme culturel français.
Outre Laclau et Mouffe, plusieurs penseurs français ont contribué à l’essor du marxisme culturel. Stuart Hall, bien qu’anglais, a profondément influencé les cultural studies françaises par son usage du concept gramscien d’hégémonie.
Dans ses travaux, Hall analyse les médias comme des «sites de conflictualité» où s’affrontent des visions du monde.
«Les discours médiatiques constituent des pratiques signifiantes qui participent à forger les imaginaires sociaux», écrit-il.

En France, cette approche a inspiré des intellectuels comme Pierre Bourdieu, dont les travaux sur la domination culturelle et le capital symbolique prolongent l’idée que le pouvoir repose sur la maîtrise des représentations.
(https://www.cairn.info/revue-reseaux-2015-4-page-87.htm)

Louis Althusser, figure majeure du marxisme structuraliste, a également joué un rôle clé.

Sa théorie des «appareils idéologiques d’État» – école, médias, Église – montre comment la classe dominante reproduit son pouvoir par des mécanismes culturels.
Bien que critique de l’humanisme marxiste, Althusser a pavé la voie à une compréhension plus nuancée de l’idéologie, que Laclau et Mouffe ont reprise en la débarrassant de son déterminisme économique.
(https://www.cairn.info/revue-reseaux-2015-4-page-87.htm)

Enfin, des historiens comme Michel Vovelle ou Robert Mandrou ont enrichi le marxisme culturel en développant le concept de «mentalités».
Ce terme, inspiré par Marx mais influencé par l’École des Annales, désigne les structures collectives de pensée qui façonnent les comportements sociaux.
En étudiant les mentalités révolutionnaires, Vovelle a montré comment la Révolution française fut autant une transformation culturelle qu’économique, un précédent pour les stratégies d’hégémonie culturelle.
(https://journals.openedition.org/chrhc/239)

Critiques et limites du marxisme culturel.
Le marxisme culturel, et particulièrement l’approche de Laclau et Mouffe, n’est pas sans critiques.
Les marxistes orthodoxes, comme Atilio Borón, reprochent au post-marxisme d’abandonner la lutte des classes au profit d’un «réductionnisme discursif» qui dissout les réalités matérielles dans un jeu de signes.
«La lutte pour le socialisme se volatilise dans les méandres stériles d’un discours insipide sur une démocratie radicale», écrit Borón.
Cette critique pointe le risque d’une dépolitisation, où la transformation sociale cède la place à des batailles symboliques sans ancrage concret.
(https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/050318/crise-recomposition-ou-liquidation-du-marxisme-chez-laclau)

D’autres, comme Jean-Claude Michéa, estiment que le populisme de gauche, inspiré par Laclau, ne remet pas en cause la centralité de la contradiction entre travail et capital.
Michéa défend une articulation entre lutte des classes et populisme, refusant l’opposition binaire proposée par les post-marxistes.
Enfin, des voix conservatrices dénoncent le marxisme culturel comme une entreprise de division sociale, accusée de promouvoir la «haine des classes» sous couvert de luttes identitaires.
(https://comptoir.org/2017/04/10/jean-claude-michea-le-concept-marxiste-de-lutte-des-classes-doit-etre-remanie/)

La Haute Culture comme champ de bataille.
Revenons à la Haute Culture, ce lieu où la mémoire collective se forge et se dispute.

En France, elle est à la fois un héritage et un champ de bataille.
Les récits de la Révolution, de la Résistance ou de Mai 68 continuent de nourrir l’imaginaire national, mais ils sont constamment réinterprétés.
Le marxisme culturel, en s’emparant de ces récits, cherche à les orienter vers un projet émancipateur.
Les mouvements féministes, par exemple, ne se contentent pas de revendiquer des droits ; ils réécrivent l’histoire pour faire émerger des figures oubliées, comme Olympe de Gouges, dans le Panthéon National.

Cette bataille pour la mémoire est poétique autant que politique.
Elle mobilise des images, des chansons, des films, qui touchent le cœur autant que l’esprit.
Comme le disait Gramsci, «l’hégémonie n’est pas automatique ; elle est le résultat d’une pratique historique, longue et dialectique».
Le marxisme culturel, en investissant la Haute Culture, transforme cette pratique en un art, où chaque récit est une brique dans l’édifice d’un nouvel imaginaire.
(https://www.contretemps.eu/post-marxisme-ernesto-laclau/)

Conclusion : vers une nouvelle synthèse.
Le marxisme culturel français, porté par des penseurs comme Laclau, Mouffe, Hall ou Althusser, est une tentative audacieuse de réinventer la lutte socialiste dans un monde où les usines ont cédé la place aux écrans, où les classes se fragmentent en identités plurielles.

En déplaçant le combat vers le terrain de la culture et du discours, il reconnaît que l’histoire ne se fait pas seulement dans les rapports de production, mais dans les récits qui donnent sens à la vie commune.

La Haute Culture, mémoire vive d’une nation, devient ainsi le théâtre d’une lutte d’hégémonie, où chaque mot, chaque image, chaque symbole compte.

Répétons à nouveau que comme le suggérait Aristote, c’est dans la mémoire que l’intelligence trouve ses formes.
Le marxisme culturel, en s’attaquant à cette mémoire, cherche à sculpter un nouvel imaginaire collectif, où la justice et l’émancipation ne sont plus des abstractions, mais des récits vivants, portés par un peuple en quête de sens.
Si cette entreprise peut sembler utopique, elle n’en est pas moins nécessaire : car, comme l’écrivait Laclau, «sans hégémonie, il n’y a pas de politique possible».

Que la France, avec sa riche tradition de révoltes et de rêves, continue d’écrire ce chapitre, dans la prose de ses poètes et la ferveur de ses combats.

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BONUS 🎁 Vidéo courte d’Alain Soral qui mélange et ne comprend pas les concepts et que j’analyse 🫣🤣

Transcription de la vidéo : «La bourgeoisie du capital ce que l’on appelle aux États-Unis le marxisme culturel qui est un terme impropre, qui est en fait un anti marxisme culturel.
C’est ce que chez nous on appelait le freudo marxisme tu sais, idéologie du désir et toutes ces conneries. Cela a donné le moment où les philosophes français sont devenus fous, tu sais, avec l’anti Oedique, les dispositifs pulsionnels. En fait cette révolution délirante s’est passée dans la haute philosophie en France dans les années 60 70 et puis elle est devenue une idéologie de masse aux États-Unis avec la cancel culture dans cette dernière décennie.» Alain Soral.

Alain Soral mélange et ne comprend pas les concepts qu’il aborde dans cette vidéo et nous allons l’analyser ci-dessous.

Il semble effectivement qu’il utilise le terme marxisme culturel de manière peu orthodoxe et qu’il le confond avec d’autres courants idéologiques ou philosophiques.
Voici une réflexion:

1. Marxisme culturel comme terme impropre et antimarxisme:

Soral rejette l’étiquette marxisme culturel comme étant mal appliquée, suggérant qu’elle désigne en réalité un antimarxisme.

Cela pourrait refléter son point de vue selon lequel ce qu’on appelle marxiste culturel aux États-Unis (souvent lié à l’École de Francfort ou à des critiques conservatrices) s’écarte des principes marxistes originaux, centrés sur la lutte des classes et les rapports de production.

Cependant, l’usage de l’expression marxisme culturel chez Soral reste confus car le marxisme culturel n’est pas un concept marxiste autoproclamé, mais une expression popularisée par des critiques (notamment d’extrême droite) pour décrire une influence de la pensée marxiste sur la culture via des figures comme Adorno ou Marcuse.

Soral semble ignorer cette origine et la réinterpréter à sa manière.

2. Confusion avec le freudo-marxisme :

En liant le marxisme culturel au freudo-marxisme (une synthèse entre les idées de Marx et de Freud, notamment via Wilhelm Reich ou Herbert Marcuse), Soral fait un amalgame.

Le freudo-marxisme explore les pulsions et le désir comme facteurs sociaux, mais il n’est pas équivalent au marxisme culturel tel que défini par ses détracteurs.

Soral semble y voir une idéologie décadente (« toutes ces conneries »), ce qui reflète sa critique habituelle des mouvements progressistes, mais cela montre aussi une méconnaissance des nuances théoriques entre ces courants.

3. Les philosophes français des années 60-70 et l’anti-œdipe :

Sa référence aux « philosophes français devenus fous » avec l' »anti-œdipe » et les « dispositifs pulsionnels » pointe vers des figures comme Gilles Deleuze et Félix Guattari, auteurs de « L’anti-Œdipe » (1972).

Ce texte, influencé par Freud mais critique de la psychanalyse traditionnelle s’inspire aussi de Marx pour analyser le capitalisme comme une machine délirante.

Cependant réduire le marxisme culturel à une « révolution délirante » trahit une simplification car Deleuze et Guattari ne s’inscrivent pas dans le marxisme culturel au sens américain, mais dans un courant post-structuraliste français.

Soral semble projeter sur eux une continuité avec ses propres critiques, sans saisir leur cadre.

4. Exportation aux États-Unis et cancel culture :

L’idée que cette « idéologie » serait devenue une « idéologie de masse » aux États-Unis avec la « cancel culture » dans la dernière décennie (soit les années 2010-2020) montre une autre distorsion.

La cancel culture, phénomène social amplifié par les réseaux sociaux, est liée à des dynamiques identitaires et progressistes, mais elle n’a pas de lien direct avec le freudo-marxisme ou les philosophes français des années 60-70.

Soral semble ici reprendre une narrative conservatrice américaine qui associe toute critique culturelle à un complot marxiste, sans preuves solides.

Soral ne maîtrise pas pleinement les concepts qu’il évoque.
Son discours mélange des éléments hétérogènes (freudo-marxisme, post-structuralisme français, cancel culture) sans les articuler de manière cohérente, ce qui donne l’impression d’une critique intuitive plutôt que d’une analyse rigoureuse.
Cela pourrait être dû à son style polémique, qui privilégie l’impact émotionnel sur la précision intellectuelle.

Il semble projeter ses propres obsessions (rejet du libéralisme culturel, critique des élites) sur des termes qu’il utilise de façon approximative.

Cela dit, sa déclaration reflète une vision personnelle où il perçoit une dérive de la pensée critique (qu’il associe à un antimarxisme) comme responsable des transformations sociales qu’il dénonce, sans pour autant s’appuyer sur une compréhension académique des sources qu’il cite.

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Le mouvement révolutionnaire marxiste taillé en pièces par l’examen philosophique via Olavo de Carvalho.

La révolution est un processus d’auto-transformation de la totalité de la réalité et, par définition, n’a pas de limite.

La révolution n’est pas un projet défini à réaliser par certains moyens, elle ne peut exister que comme promesse d’avenir.


Le processus révolutionnaire ressemble à une création artistique et non à l’exécution d’un projet technique ou politique de changement social.


L’idée de révolution est imprégnée d’éléments gnostiques, qui expriment une révolte générale contre la structure de la réalité, vue comme quelque chose de mal.

Le mouvement révolutionnaire ne se conçoit que comme un mouvement qui ne peut pas s’arrêter, c’est pourquoi il n’a pas non plus de point d’arrivée.

Il n’y aura jamais de paramètres de normalité car dans leur vision l’existence est anormale.

Ainsi, cela n’a aucun sens de s’attendre à une quelconque cohérence dans les propositions révolutionnaires, par exemple, les révolutionnaires peuvent être des fois en faveur de lois racistes, et d’autres fois en faveur de lois antiracistes.

Le seul véritable objectif pour les révolutionnaires c’est de provoquer l’inspiration pour que d’autres continuent le mouvement et au final qu’augmente l’élan de la révolution.

Tout rentre dans la révolution, par exemple, Lénine était anti-nationaliste et Staline a utilisé le nationalisme comme la grande arme de la révolution.

Pour être contre révolutionnaire il ne faut pas être bloqué sur des visions technico-scientifiques mais s’aligner à partir du même horizon intemporel.

Et c’est justement à cause de LA PERTE GÉNÉRALISÉE DU SENS DE L’IMMORTALITÉ que la logique révolutionnaire a prévalue en Occident.

C’est ainsi que dans le travail intellectuel, le grand risque que nous courons est celui d’inverser la hiérarchie des valeurs, ce n’est pas celui d’être attaqué par des révolutionnaires.

Comme le mouvement révolutionnaire n’a pas une fin :

  • soit il s’éteint par auto-destruction de l’humanité,
  • soit la mentalité révolutionnaire est détruite à sa base en écartant tous les révolutionnaires de la vie publique quels que soient leurs propositions.

Le mouvement révolutionnaire doit être rejeté dans son intégralité en comprenant les 3 inversions révolutionnaires :

  • a) l’inversion du sens du temps,
  • b) l’inversion de la relation sujet/objet et
  • c) l’inversion de la responsabilité morale.

Nous ne pouvons parler qu’à partir de notre propre immortalité et une fois que nous en avons acquis le sens.

Plus de détails dans le «Cours de Philosophie d’Olavo de Carvalho.»