Foucault sans Foucault : du panoptique à la paranoïa collective.

«La Haute Culture est l’autoconscience d’une société.
Elle embrasse les œuvres d’art, la littérature, l’érudition et la philosophie qui tracent le cadre de référence commun aux esprits éclairés.» 
Telle est la définition ciselée par Roger Scruton.
À peine l’eût-on énoncée qu’elle révèle, en France, un vide abyssal : cette essence s’est évanouie de nos rivages intellectuels bien avant l’aube du XXIe siècle. 

Le seul socle partagé qui subsiste, précaire et érodé, n’est plus que celui des médias de masse – ces temples du prêt-à-penser, bruissants de formules éculées, de solécismes assumés et de rengaines cognitives ressassées par une cohorte de commentateurs à peine lettrés. 

Au-delà, ne pullulent que des archipels subculturels, ignorants les uns des autres, unis non par un substrat de convictions ou de valeurs, mais par les contingences d’intérêts corporatistes, financiers ou politicards du moment.
Une culture des capitaines d’industrie et des thuriféraires de l’économie libérale ; une autre des catholiques intégristes, ressuscitant des rituels oubliés ; une troisième des activistes arc-en-ciel, brandissant les bannières de l’identité fluide ; une quatrième des robes noires du palais, ourdissant des plaidoiries byzantines.

Mais par-dessus tout, plane la culture des militants de la gauche postmoderne – ces insoumis éternels, écolos radicaux et intersectionnels zélés –, qui déploient, avec une ardeur machiavélique, l’arsenal du chantage moral, de l’intimidation numérique et des subventions occultes pour imposer leur hégémonie.
Ainsi transforment-ils leur bulle idéologique en un ersatz monstrueux de haute culture, le rempart le plus sournois contre toute culture authentiquement élevée. 

Scruton lui-même en sonde les fragilités : «La Haute Culture est une conquête fragile, qui ne survit que portée par le souffle d’une tradition vivante et l’assentiment des normes sociales environnantes.
Quand ces soutiens s’évaporent, elle cède la place à une culture de faux-semblants. La contrefaçon repose sur une connivence perverse entre l’imposteur et sa proie : ils ourdissent ensemble le mensonge d’une croyance feinte, le simulacre d’un sentiment qu’ils ne sauraient éprouver.» 

Ce constat, qui évoque irrésistiblement les pages glaçantes de la “Ponerologie” du Dr Andrew Łobaczewski – ce traité impitoyable sur l’hystérie collective qui gangrène une société dès lors que les psychopathes s’emparent des leviers du pouvoir –, trouve en France une illustration d’une acuité chirurgicale, emblématique de notre époque. 

Nul n’ignore que Michel Foucault reste l’un des phares – ou plutôt des ombres– les plus rayonnants dans les amphithéâtres des universités.
Ce pionnier d’un marxisme muté en hydre post-structuraliste imprègne les campus comme une doxa officielle, que l’élite académique française n’a pas seulement ingurgitée, mais remodelée en une variante si singulièrement gauloise qu’elle en devient presque folklorique.
Pourtant, comme le souligne un critique récent (https://www.researchgate.net/publication/364144219_How_Foucault_Got_Rid_of_Bossy_Marxism), Foucault, bien qu’évoluant dans le creuset de la théorie de gauche des années 1960 et 1970, où le marxisme régnait en maître, s’en est distancié, diluant l’analyse des classes en un jeu subtil de pouvoirs.

Karl Marx, on le sait, forgea l’idéologie selon laquelle les idées qui circulent ne seraient que les reflets déformés des intérêts objectifs des classes sociales. Certes, certaines le sont ; mais Marx postule que toutes le sont, que nul recoin de l’esprit n’échappe à cette partition binaire du champ mental entre «idéologie prolétarienne» et «idéologie bourgeoise». 

Pourtant, une faille béante mine cette édifice dès sa genèse : ou bien les idées et croyances d’un individu sont rivées à sa condition de classe, ou bien, appartenant à une caste, il peut, par un saut du raisonnement, embrasser l’idéologie adverse – comme le fit, précisément, le bourgeois prussien Karl Marx lui-même. Pour que cette transmutation ne soit pas un caprice irrationnel, une extase irraisonnée, il requiert un espace neutre, un no man’s land intellectuel d’où l’âme en péril scrute les idéologies belligérantes et élit son camp par pure souveraineté. 

Mais si tel saut est possible – et Marx en fut la preuve vivante –, alors l’idéologie personnelle s’affranchit de la dictature de classe, et l’expression «idéologie de classe» n’est plus qu’une métaphore creuse, un ornement rhétorique.
il est donc logique d’user de cette théorie avec une once de scepticisme, ou l’archiver au panthéon des utopies hasardeuses. 

Michel Foucault, loin de ce recul, opta pour l’exacerbation.
Poussée à l’extrême, sa radicalisation aboutit à ce verdict impitoyable : face à une idée ou une assertion, sa vérité ou son mensonge importe peu ; sa fidélité aux faits est vaine.
Seul prime le «schéma de pouvoir» qu’elle sert, et ces schémas se réduisent à deux : celui des «oppresseurs» et celui des «opprimés» – échos à peine voilés des «bourgeois» et «prolétaires» marxistes.

La simple aspiration à arbitrer les idées par leur conformité à la réalité n’est déjà qu’un «schéma» au service des tyrans.
La vérité ? Une illusion obsolète.

Le “philosophe”, libéré de ces chaînes, doit n’élire que ce qui gonfle les voiles du pouvoir opprimé.
Dans un récent débat sur l’influence foucaldienne, un analyste souligne que «Foucault est souvent présenté comme le penseur des micropouvoirs et le théoricien des dispositifs, ces perspectives permettant de discréditer l’étude des macropouvoirs traditionnels».
(https://journals.openedition.org/rsa/1755)

Évidemment, cette négation de la vérité se pare elle-même du manteau de la vérité absolute, sombrant dans un cercle vicieux qui, au bout du compte, ne profère que le vide.
Pourtant, un aveu s’impose : Foucault, qui proclamait la vérité abolie, la traquait avec une ferveur quasi mystique dans sa propre doctrine.
Ses vastes fresques sur le panoptique carcéral, les manicomes du XIXe siècle ou l’archéologie de la sexualité déploient un labeur titanesque pour ancrer, via faits et archives – hélas trop souvent romancés –, le lien entre idées et intérêts qu’il imputait aux foules. 

C’est ici que surgit le phénomène de notre époque, et tellement français,  que j’évoquais.
Dans les séminaires sorbonnards, les tribunes politiques ou les colonnes des journaux en ligne, l’intellectuel gauchiste typique – disons un fervent lieutenant de La France insoumise comme François Ruffin, qui, bien qu’ayant rompu avec le parti en 2024, incarne encore cette doxa, ou une idéologue comme Sophia Chikirou, affirmant récemment que «la liberté d’expression en Chine est aussi menacée que celle qu’on a en France» pour minimiser les oppressions ailleurs tout en exagérant celles ici – applique la leçon foucaldienne avec une créativité qui eût sidéré son maître : accuser un auteur ou un polémiste de cautionner tel «schéma de pouvoir», c’est-à-dire de relayer les intérêts d’un groupe social occulte, dispense d’enquêter sur deux points triviaux :
– (a) l’existence réelle de ce groupe ;
– (b) l’appartenance effective de l’accusé à ses rangs, ou même sa connivence avec ses desseins.
(https://www.marianne.net/politique/melenchon/promis-la-chine-n-est-pas-une-dictature-c-est-sophia-chikirou-qui-le-dit)

La réduction des idées à de simples masques d’un «schéma de pouvoir» s’érige en preuve souveraine de leur poison, sans exiger la moindre assisse sociologique tangible.
Si vos mots heurtent l’oreille complaisante de ces gardiens de la doxa, ils vous rattachent d’un trait de plume à une tribu fantôme, ou à une cabale sans lien avec le débat, et l’affaire est réglée.

La validité de votre propos s’évapore non par son ancrage dans votre propre milieu social, mais par son exil forcé vers une faction qui vous est étrangère, ou qui n’a jamais vu le jour.
Ruffin lui-même, dans sa critique de la stratégie de LFI, dénonce une «conception stalinienne de la classe», accusant le parti de racialiser le conflit de classe sans voir que ce conflit est déjà mythifié.
(https://www.politis.fr/articles/2024/10/intersections-francois-ruffin-la-classe-sociale-mythifiee/)

C’est précisément ainsi qu’opéra, en écho à une myriade de plumes progressistes n’ayant pas lésiné sur leurs diagnostics des tumultes récents, le texte d’orientation stratégique de La France insoumise pour son congrès de 2024.
Confronté aux flots humains des manifestations anti-Bayrou et anti-blocages économiques – ces marées de Français de tous horizons, âges et origines, sans chef charismatique ni appui des chaînes publiques, des syndicats ou des lobbies patronaux –, il diagnostiqua une machination ourdie par la «classe dominante», affirmant que « dans les médias dominants, la déontologie est aux abonnés absents et les accusations sans fondement et les mensonges sont légion. Cette stratégie de diabolisation de la France insoumise vise à limiter sa progression électorale et cherche à l’isoler pour maintenir la domination des partisans du système capitaliste, impérialiste et écocidaire« .
(https://lafranceinsoumise.fr/wp-content/uploads/2024/12/ORIENTATION-STRATEGIQUE-VDEF.pdf)

Pilotée, par tous les saints du ciel !, par le tandem BFM-TV et l’immonde Le Monde, qui s’acharnaient pourtant à rapetisser ces soulèvements et à les moquer sous cape. 

Dépouillée de ses atours sociologiques, fussent-ils les plus ténus, la théorie foucaldienne s’est muée en une arme paresseuse : accuser quiconque de n’importe quel chef d’accusation, puis regagner son alcôve l’âme en paix, certain d’avoir éventé un «schéma de pouvoir» monstrueux.

De la simulation hystérique, la gauche tricolore a glissé vers la mythomanie délirante.

Pourquoi Gaza OUI et Venezuela NON ? Quelles sont les œillères à retirer ?

Les médias alternatifs dénoncent ce qu’il se passe à Gaza mais un silence entoure les crises au Venezuela, à Cuba et au Nicaragua marquées par l’exode, la répression et la misère économique. 

Pourquoi ce contraste ?

  • Il s’explique tout d’abord par un raccourci, une vision binaire anti-occidentale : il s’agit d’une caricature qui ignore les abus et idéalise les régimes socialistes latino-américains comme des bastions de résistance contre “l’occident opresseur impérialiste”. 
  • Dans le même temps, cette caricature ignore les dynamiques complexes de pouvoir pour préserver une cohérence idéologique. 
  • De plus, les alliances géopolitiques en place avec ces pays biaisent les analyses de certains médias alternatifs, les poussant à taire les échecs des régimes socialistes latino-américains tout en amplifiant la crise à Gaza. 
  • Daniel Di Martino démontre par les faits historiques comment le socialisme (via la nationalisation massive, le contrôle des devises et des prix et enfin l’expansion irresponsable des programmes sociaux) est la principale cause de ces crises.
  • Finalement, ce silence révèle la présence forte du marxisme culturel comme œillère idéologique que nous détaillerons ci-dessous. 
  • Il existe aussi une fascination pour la propagande Eurasiste d’Aleksandr Dugin qui est pourtant incohérente dans ses concepts comme nous le montrerons ci-dessous.

Les erreurs philosophiques du marxisme révolutionnaire.

Olavo de Carvalho, dans son analyse philosophique du mouvement révolutionnaire marxiste, offre un éclairage crucial. Il décrit la révolution comme un processus d’auto-transformation sans fin et il identifie trois inversions fondamentales : 

  • 1) l’inversion du sens du temps, où le futur utopique prime sur le présent
  • 2) l’inversion sujet/objet, où l’individu est subordonné au collectif
  • 3) l’inversion de la responsabilité morale, où les moyens justifient la fin

Ces inversions expliquent pourquoi les médias alternatifs idéalisent des régimes socialistes comme le Venezuela, le Nicaragua et Cuba malgré leurs échecs. 

Le socialisme comme source des crises latino-américaines.

Daniel Di Martino démontre que la crise vénézuélienne n’est pas due aux sanctions américaines ou à la chute des prix du pétrole, mais aux politiques socialistes de Hugo Chávez et Nicolás Maduro.

Trois mesures ont précipité l’effondrement : 

  • 1) la nationalisation massive, qui a détruit la production agricole (en chute de 75 % en deux décennies) et pétrolière ; 
  • 2) le contrôle des devises et des prix, qui a engendré un marché noir, une corruption massive et des pénuries ; 
  • 3) l’expansion irresponsable des programmes sociaux, financée par l’impression monétaire, qui a alimenté une hyperinflation. 

Ces politiques ont ruiné l’économie et poussé 7 millions de Vénézuéliens à l’exil. 

Des dynamiques similaires s’observent au Nicaragua et à Cuba et ces échecs socialistes, documentés par des organisations comme Human Rights Watch, devraient attirer l’attention des médias alternatifs. 

Pourtant, ils restent muets, préférant idéaliser par un raccourci caricatural ces régimes comme des symboles de résistance anti-occidentale.

L’œillère idéologique d’un marxisme culturel non compris.

Le silence des médias s’explique aussi en partie par un marxisme culturel non compris.

Certains médias réduisent la géopolitique à une lutte binaire entre un “Occident impérialiste” et des “forces de résistance”. 

Cette vision simpliste néglige les dynamiques complexes de pouvoir et n’a pas connaissance des analyses nuancées de penseurs comme Louis Althusser, Ernesto Laclau et Chantal Mouffe.

Althusser, avec sa théorie des appareils idéologiques d’État, montre comment les institutions culturelles façonnent les consciences, tandis que Laclau et Mouffe, dans Hégémonie et stratégie socialiste, insistent sur la construction de récits collectifs pour fédérer des luttes diverses. 

Pourtant, les médias alternatifs adoptent une approche manichéenne et échouent à appliquer ces outils pour critiquer équitablement les régimes socialistes et l’Occident.

L’Eurasisme de Dugin : une vision simpliste et biaisée.

L’influence de l’Eurasisme d’Aleksandr Dugin joue un rôle central dans le silence des médias. 

Dugin oppose des “puissances terrestres” (Russie, Chine) autoritaires et traditionnelles à des “puissances maritimes” (États-Unis, Royaume-Uni) libérales et mercantiles, prétendant également que les premières incarnent une transcendance spirituelle face à l’individualisme matérialiste des secondes. 

Cette dichotomie, inspirée de penseurs comme Mackinder et Haushofer, repose sur une vision géopolitique caricaturale qui divise le monde en blocs opposés. 

Dugin soutient que les puissances terrestres, comme la Russie, privilégient le politique et le spirituel sur l’économique, tandis que les puissances maritimes, menées par les Anglo-Saxons, incarnent un libéralisme économique destructeur. 

Il trace cette opposition jusqu’à l’Antiquité, comparant Rome (terrestre) à Carthage (maritime), et dans la modernité, la Russie et l’Allemagne face à l’Angleterre et les États-Unis.

Mais avec une rigueur philosophique il est possible de démonter cette construction car les États, nations ou empires ne sont pas des agents historiques primaires. 

Ce sont des résultats de processus complexes impliquant des forces plus durables comme les religions, les dynasties familiales, les sociétés ésotériques ou les mouvements révolutionnaires. 

Par exemple, l’influence de l’Église orthodoxe russe a survécu à l’Empire de Kiev, à l’Empire tsariste et à la Révolution bolchevique. 

Cette Église, et non l’“empire eurasien” imaginaire de Dugin, est un des véritables agents historiques, car elle maintient une continuité d’action à travers les siècles. 

L’“empire eurasien” n’est qu’une métaphore élastique, incapable d’unifier des idéologies contradictoires comme le socialisme vénézuélien, le conservatisme orthodoxe russe, ou l’islamisme radical. 

Dugin confond également le collectif (les structures autoritaires des puissances terrestres) avec le supra-individuel (le spirituel), assimilant à tort l’autoritarisme à une transcendance. 

En réalité, le collectif et l’individuel sont deux faces d’une même réalité, et la véritable transcendance réside dans la liberté de l’âme humaine.

Dugin commet une autre erreur en ignorant les faits historiques. 

Par exemple, l’Union soviétique, une prétendue “puissance terrestre”, exerçait une influence mondiale, y compris en Amérique latine, défiant la notion d’un clivage strict entre puissances terrestres et maritimes. 

De plus, la liberté économique, que Dugin associe aux puissances maritimes, trouve ses racines dans la tradition catholique ibérique, bien avant les Lumières. 

En effet on peut noter que les premières puissances maritimes modernes, l’Espagne et le Portugal, ont été marginalisées par les Anglo-Saxons, contredisant le schéma simpliste de Dugin. 

Enfin, Dugin ne reconnaît pas que son projet eurasien est subordonné à l’Église orthodoxe, qui lie son expansion à celle de l’empire russe, contrairement à l’Église catholique (avant Vatican II) qui est capable de s’étendre indépendamment des empires. 

Cette confusion entre agents historiques et entités géopolitiques rend la vision de Dugin incohérente.

Les médias alternatifs, séduits par l’Eurasisme, adoptent cette grille de lecture pour percevoir le Venezuela, le Nicaragua et Cuba comme des alliés anti-occidentaux. 

Cette idéologie leur permet de justifier leur silence sur les abus de ces régimes, qu’ils considèrent comme des remparts ou des résistants contre l’hégémonie de l’impérialisme américain. 

En réalité, l’Eurasisme de Dugin sacrifie la vérité des souffrances individuelles à une vision holiste qui glorifie des structures autoritaires. 

Cette fascination explique pourquoi ces médias focalisent leur indignation sur Gaza, où l’Occident est facilement blâmable, tout en ignorant les crises latino-américaines, où des régimes alignés sur l’axe Russie-Chine reproduisent des abus similaires.

Confusion entre État profond et Amérique.

Les médias alternatifs confondent souvent l’État profond (deep state) – un réseau d’élites non élues influençant la politique – avec l’Amérique dans son ensemble. 

Cette erreur les empêche de saisir les dynamiques complexes des États-Unis où des forces divergentes coexistent. 

En dénonçant Gaza comme un symptôme de l’impérialisme américain, ils négligent les crises latino-américaines, où des régimes socialistes, alliés à l’axe Russie-Chine, reproduisent des abus similaires.

Intérêts géopolitiques.

Le silence des médias alternatifs sur les crises au Venezuela, au Nicaragua et à Cuba s’explique également par des intérêts géopolitiques qui les alignent avec ces régimes et leurs alliés dans l’axe Russie-Chine. 

Ils servent de relais pour les récits anti-impérialistes qui séduisent les médias. 

Par exemple, la chaîne RT Russe a historiquement soutenu des figures comme Hugo Chávez et Nicolás Maduro, présentant le Venezuela comme un modèle de résistance socialiste face à l’impérialisme américain. 

Les médias alternatifs, en relayant ou en s’inspirant de ces narratifs, évitent de critiquer les régimes latino-américains pour ne pas contrarier leurs partenaires idéologiques ou financiers.

Sur le plan géostratégique, les régimes du Venezuela, du Nicaragua et de Cuba sont des alliés clés de l’axe Russie-Chine dans l’hémisphère occidental. 

La Russie, par exemple, a investi des milliards de dollars dans l’industrie pétrolière vénézuélienne via Rosneft, tandis que la Chine a fourni des prêts massifs à Caracas en échange de pétrole. 

Le Nicaragua, sous Ortega, a renforcé ses liens avec Moscou, accueillant des bases militaires russes et participant à des exercices conjoints. 

Cuba, de son côté, reste un partenaire stratégique de longue date de la Russie, avec des accords économiques et militaires remontant à l’époque soviétique. 

Ces alliances créent un réseau géopolitique où les médias, alignés sur l’axe anti-occidental, évitent de critiquer ces régimes pour ne pas affaiblir leurs partenaires stratégiques. 

En se concentrant sur Gaza, où les abus israéliens et le soutien américain sont facilement dénonçables, ces médias maintiennent leur crédibilité auprès d’une audience anti-impérialiste tout en évitant de froisser leurs alliés.

Ce parti pris n’est pas uniquement financier ou stratégique ; il est aussi idéologique. 

Les régimes latino-américains, en se présentant comme des victimes de l’impérialisme américain, s’inscrivent dans le récit eurasien de Dugin, qui glorifie les “puissances terrestres” comme des remparts contre l’hégémonie occidentale. 

En adoptant ce cadre, les médias deviennent des relais de cette propagande, sacrifiant la vérité des crises humanitaires au Venezuela, au Nicaragua et à Cuba pour préserver leurs alliances où les intérêts financiers et géopolitiques priment sur l’objectivité.

Une analyse sociologique éclaire aussi ce phénomène : 

Les médias s’appuient sur des récits et des images des victimes pour mobiliser leur audience et Gaza, perçue comme une victime de l’impérialisme occidental, s’inscrit dans ce cadre, tandis que les crises latino-américaines, causées par des régimes dépeints comme soit disant des “résistants”, sont difficiles à intégrer comme des victimes sans fragiliser le récit révolutionnaire. 

Cette sélectivité reflète une stratégie narrative où la cohérence idéologique prime sur la réalité.

La dialectique de l’illusion et de la vérité.

Un dernier élément philosophique est intéressant : la dialectique entre l’illusion et la vérité. 

Le marxisme révolutionnaire et l’Eurasisme de Dugin privilégient le collectif en sacrifiant l’individu à des illusions géopolitiques ou eschatologiques. 

Cette perspective explique pourquoi les médias négligent les souffrances individuelles au Venezuela, au Nicaragua et à Cuba : en glorifiant des régimes “révolutionnaires”, ils sacrifient la vérité à une vision holiste.

Conclusion : vers une critique cohérente.

Le silence des médias alternatifs sur les crises au Venezuela, au Nicaragua et à Cuba révèlent en plus des influences géostratégiques de l’axe Russie-Chine, l’existence d’œillères idéologiques. 

Celles-ci sont ancrées dans un marxisme culturel non compris, dans une fascination pour l’Eurasisme et dans la propagande des récits révolutionnaires gnostiques sur l’imaginaire collectif. 

Pour regagner en crédibilité, les médias doivent dépasser les biais géopolitiques ainsi que les œillères idéologiques afin de pouvoir critiquer tous les abus de pouvoir, qu’ils viennent de l’Occident ou de ses adversaires.

Ce n’est qu’en embrassant la complexité de la réalité qu’ils pourront prétendre à une véritable quête de vérité.

Jean 8:32 : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. »

Comment le socialisme a détruit le Vénezuela et non les sanctions US ni les prix du pétrole, par Daniel Di Martino.

De nombreux médias ont imputé l’aggravation de la crise humanitaire au Venezuela aux sanctions américaines, aux prix du pétrole, à la corruption – tout sauf à la montée du socialisme dans ce qui était autrefois le pays le plus riche d’Amérique du Sud !

Mais la corruption et la mauvaise gestion sont le résultat direct du contrôle accru de l’économie par le gouvernement – le socialisme – et en réalité, la baisse des prix du pétrole et les sanctions américaines n’ont pas grand-chose à voir avec la crise.

Au contraire, la famine et l’exode massifs auxquels sont confrontés les Vénézuéliens sont la conséquence naturelle des politiques socialistes mises en œuvre par les dictateurs Hugo Chavez et Nicolas Maduro.

Trois principales politiques mises en œuvre par Chavez depuis 1999 ont produit la crise actuelle :

  • 1) la nationalisation généralisée de l’industrie privée,
  • 2) le contrôle des devises et des prix,
  • 3) l’expansion fiscalement irresponsable des programmes de protection sociale.

1) L’une des premières mesures de Chavez a été de commencer à nationaliser le secteur agricole, censé réduire la pauvreté et les inégalités en prenant aux riches propriétaires fonciers pour les donner aux travailleurs pauvres.

Entre 1999 et 2016, son régime a volé plus de 6 millions d’hectares de terres à leurs propriétaires légitimes.

La nationalisation a détruit la production dans les industries concernées, car aucun gouvernement n’a la capacité de gérer des milliers d’entreprises ni de générer des profit et d’innover pour les gérer efficacement. Au lieu de cela, les responsables gouvernementaux sont incités à plaire aux électeurs en vendant des produits à bas prix et en embauchant plus d’employés que nécessaire, même lorsque c’est la mauvaise décision industrielle.

Comme le prévoyait la théorie économique, à mesure que le contrôle de l’État sur l’industrie agricole s’est accru, la production alimentaire du Venezuela a chuté de 75 % en deux décennies, tandis que la population du pays a augmenté de 33 %. C’était la recette pour des pénuries et un désastre économique.

Après l’agriculture, le régime a nationalisé l’électricité, l’eau, le pétrole, les banques, les supermarchés, la construction et d’autres secteurs cruciaux. Dans tous ces secteurs, le gouvernement a augmenté les salaires et distribué des produits à bas prix, ce qui a entraîné des coupures de courant de plusieurs jours dans tout le pays, des interruptions fréquentes du service d’eau, une chute de la production pétrolière et la faillite des entreprises devenues publiques.

Mais prendre le contrôle des secteurs les plus importants de l’économie n’a pas suffi au régime socialiste.

2) En 2003, Chávez a mis en place un système de contrôle des devises étrangères dans lequel le gouvernement a fixé un taux de change surévalué entre la monnaie vénézuélienne et le dollar américain.

L’un des objectifs de ce système était de réduire l’inflation en surévaluant la monnaie et en subventionnant les produits importés. Mais le contrôle des devises a obligé le régime à rationner les dollars américains disponibles pour les importateurs, car, à un taux de change surévalué (bon marché), la demande de dollars américains était supérieure à l’offre.

Naturellement, un marché noir des devises étrangères a émergé et les membres corrompus du régime se sont vu attribuer des dollars américains bon marché et ont obtenu de gros profits.

Pire encore, ce système a en fait accru l’inflation, car la surévaluation de la monnaie a réduit les revenus pétroliers du gouvernement en monnaie vénézuélienne, ce qui a conduit le régime à imprimer de la monnaie pour couvrir le déficit budgétaire qui en a résulté.

Le régime socialiste a également imposé des prix plafonds sur des centaines de produits de base tels que le bœuf, le lait et le papier hygiénique. Avec des prix artificiellement bas, davantage de personnes étaient prêtes à acheter ces produits, mais les quelques usines privées restantes – non nationalisées – ne pouvaient pas tirer profit du prix plafonné par le gouvernement, alors elles ont réduit ou arrêté leur production.

Au lieu de bénéficier aux pauvres, les prix plafonds ont entraîné, comme on pouvait s’y attendre, des pénuries qui les ont obligés à faire la queue pendant des heures, tandis que les employés des supermarchés et les personnes bien connectées obtenaient les produits dont ils avaient besoin.

3) Mais l’aspect le plus néfaste du projet socialiste vénézuélien est peut-être celui que les médias internationaux et les personnalités de gauche ont le plus souvent vanté : les programmes d’aide sociale. Le régime socialiste a créé des « missions » sociales visant à lutter contre la pauvreté, l’analphabétisme, les soins de santé, etc. Mais malgré les revenus pétroliers plus élevés du gouvernement en raison d’une multiplication par dix du prix du baril de pétrole, de 10 dollars en 1999 à plus de 100 dollars en 2008, le régime a financé un déficit croissant en imprimant davantage de monnaie.

Les programmes d’aide sociale et les projets de travaux publics massifs ont ouvert la voie à une corruption toujours plus grande.

Et l’impression de monnaie pour financer des programmes publics sans fin a sans surprise entraîné des taux d’inflation élevés.

C’est ainsi que c’est le socialisme qui a crée la misère au Venezuela et non les prix du pétrole ou les sanctions américaines.

  • Les programmes sociaux censés aider les pauvres ont en fait augmenté le coût de la vie.
  • Le contrôle des devises étrangères qui visait à réduire l’inflation n’a fait qu’augmenter cette dernière et a permis une corruption massive.
  • Et les nationalisations qui auraient dû donner du « pouvoir » aux travailleurs n’ont fait que les laisser au chômage et affamés.

Le socialisme a ainsi entraîné l’hyperinflation et les pénuries généralisées.

De plus, même avec les prix bas actuels du pétrole, le pétrole vénézuélien se vend deux à trois fois plus cher qu’en 1999, en tenant compte de l’inflation. Et la seule sanction américaine susceptible d’affecter les Vénézuéliens ordinaires, l’interdiction des importations de pétrole, n’est en vigueur que depuis deux mois, alors que l’inflation et les pénuries affligent le pays depuis des années.

Alors ne cherchez pas d’excuses.

Comme les Vénézuéliens l’ont appris au cours des 20 dernières années de socialisme, les « choses gratuites » ont un prix élevé.

Source de Daniel Di Martino (@DanielDiMartino) : https://manhattan.institute/article/how-socialism-destroyed-venezuela