Du collectivisme au croissant : la trajectoire de Roger Garaudy comme présage de la métamorphose idéologique de l’Europe et l’impératif de défendre la chrétienté.

Peu de figures incarnent avec autant de vivacité les mutations idéologiques que Roger Garaudy.

Né en 1913 à Marseille, en France, Garaudy a parcouru un chemin semé d’embûches : d’un catholicisme fervent dans sa jeunesse, en passant par les dialectiques « rigoureuses » du marxisme, jusqu’à l’étreinte de l’islam en 1982. 

Cette odyssée personnelle, jalonnée de conversions et de controverses, m’apparaît comme un microcosme des destinées de l’Europe. 

Le parcours de Garaudy – du zèle collectiviste du communisme à la soumission spirituelle de l’islam – préfigure, à mes yeux, une trajectoire possible du continent, et face à laquelle je m’oppose bien sûr. 

Dans une ère où l’Europe affronte l’érosion du sécularisme, des transformations démographiques et des quêtes spirituelles renaissantes, cette trajectoire invite un examen stratifié. 

À travers des prismes sociologiques, philosophiques et spirituels, cet article explore si la vie de Garaudy reflète un pivot potentiel de l’Europe, du matérialisme collectiviste vers une renaissance islamique, tout en plaidant pour la défense et la promotion de la chrétienté, portée par une évangélisation croissante, comme rempart essentiel à l’identité européenne.

La biographie de Garaudy ressemble à une chronique de l’évolution idéologique. 

Issu d’une famille protestante, il s’engage dans la théologie avant de bifurquer vers la philosophie, obtenant son doctorat en 1936. 

Le tumulte de l’entre-deux-guerres l’attire dans le Parti communiste français (PCF), où il devient un théoricien majeur, réconciliant marxisme et “humanisme” dans des œuvres comme “Les Sources françaises du socialisme scientifique”. 

Emprisonné pendant la Seconde Guerre mondiale pour ses activités de résistance, Garaudy émerge après la Libération comme un parlementaire et un intellectuel éminent, dialoguant avec des existentialistes comme Jean-Paul Sartre. 

Pourtant, la désillusion s’installe ; sa critique de l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie en 1968 entraîne son exclusion du PCF en 1970. 

Cette rupture le propulse vers des dialogues œcuméniques, aboutissant à sa conversion à l’islam à l’âge de 69 ans, sous le nom de « Ragaa ». 

Ce virage, fruit de décennies d’engagement avec la pensée islamique et de rencontres avec des intellectuels musulmans, reflète une quête de synthèse au-delà du matérialisme occidental. 

Après sa conversion, Garaudy publie des textes comme “L’Islam habite notre avenir”, plaidant pour l’islam comme rempart contre les excès capitalistes.

À travers Garaudy, je discerne un prototype d’un destin européen où le paysage idéologique, jadis dominé par le socialisme collectiviste, cède à des dynamiques multiculturelles. 

L’effondrement des utopies collectivistes – ces grands récits marxistes promettant une société sans classes – a laissé un terrain fertile pour des spiritualités orientales, notamment l’islam, qui recyclent les thèmes anticapitalistes sans leur athéisme militant originel. 

Cet athéisme militant, pilier du marxisme-léninisme, se définit par son rejet agressif de toute transcendance, érigeant la raison matérialiste en dogme et reléguant la religion à une « aliénation » à éradiquer. 

Inspiré par Marx, qui qualifiait la religion d’« opium du peuple », cet athéisme s’est incarné dans des politiques coercitives : en URSS, des milliers d’églises furent fermées et des prêtres persécutés ; en France, le PCF des années 1950-1960 prônait un sécularisme radical, rejetant les institutions religieuses comme obstacles à la révolution. 

Cet athéisme militant, en niant la dimension spirituelle de l’homme, a aliéné des segments de la classe ouvrière et des intellectuels comme Garaudy, qui cherchaient une synthèse entre justice sociale et transcendance. 

L’échec de cette posture, illustré par la chute de l’URSS en 1991 et la désaffection du PCF (de 20 % des voix en 1978 à moins de 2 % en 2025), a créé un vide idéologique. 

L’islam, notamment dans ses courants politiques, s’est engouffré dans cette brèche, offrant une vision communautaire qui reprend les critiques marxistes du capitalisme – exploitation, inégalités, impérialisme – mais les ancre dans une transcendance divine.

Des figures comme Sayyid Qutb, dans “Milestones” (1964), articulent une critique islamiste du matérialisme occidental, reprenant des accents marxistes sans l’athéisme, prônant une umma universelle comme alternative à la lutte des classes. 

Cette dynamique, incarnée par Garaudy, menace l’héritage chrétien, qui doit être défendu et promu, notamment par une évangélisation croissante, comme socle de l’identité européenne.

Sociologiquement, ce glissement du collectivisme vers un islam ascendant s’appuie sur des tendances démographiques et culturelles. 

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe importe une main-d’œuvre de pays musulmans, posant les bases d’une présence islamique durable. 

En 2025, la population musulmane atteint 46 millions, soit 6 % des 745 millions d’Européens. 

Le Pew Research Center prévoit une hausse à 7-14 % d’ici 2050, portée par une natalité de 2,6 enfants par femme musulmane contre 1,5 pour la moyenne européenne.

En Allemagne, les musulmans, majoritairement turcs, représentent 7 % de la population ; en France, ils sont 5,7 millions. 

Ce dynamisme coïncide avec l’érosion du collectivisme, fracturé par la mondialisation et la désindustrialisation. 

Une étude polonaise de 2021 montre un virage vers l’individualisme entre 2003 et 2018, tandis que les partis socialistes perdent 30 % de leurs voix depuis 1990. 

Ce vide sociétal, amplifié par une sécularisation où seuls 22 % des Européens assistent à un culte en 2025, favorise une islamisation démographique. 

Cependant, un contre-mouvement émerge : l’évangélisation croît en Europe, portée par des mouvements charismatiques et évangéliques. 

En France, les églises évangéliques ont vu leur fréquentation augmenter de 15 % entre 2015 et 2025, avec 700 000 pratiquants, selon le Conseil national des évangéliques de France. 

En Pologne et en Hongrie, les écoles chrétiennes et les festivals religieux attirent des jeunes, avec une hausse de 10 % des baptêmes depuis 2020. 

Ces efforts, bien que minoritaires, signalent un renouveau chrétien qui doit être amplifié pour contrer l’islamisation et réaffirmer les racines chrétiennes.

Sur le plan philosophique, la transition de Garaudy évoque une dialectique hégélienne inversée, où la thèse collectiviste marxiste rencontre son antithèse dans l’islam, forgeant une synthèse potentiellement totalitaire. 

Dans le cas de Garaudy, la thèse marxiste, ancrée dans le collectivisme matérialiste et la promesse d’une société sans classes, se heurte à son antithèse islamique, qui propose un cadre spirituel et communautaire rejetant le matérialisme occidental tout en conservant les critiques anticapitalistes. 

Cette inversion réside dans le renversement de l’optimisme progressiste de Hegel : au lieu d’avancer vers une liberté universelle, la synthèse risque une clôture totalitaire, car le marxisme et l’islam politique partagent une propension à des visions totalisantes, que ce soit par la lutte des classes ou l’unité théocratique. 

Le marxisme humaniste de Garaudy, influencé par Lukács, cherchait une rédemption collective à travers la praxis historique, mais son exclusion du PCF a révélé les limites du déterminisme matérialiste face à la bureaucratie stalinienne. 

Son passage à l’islam, inspiré par le rejet de la fragmentation séculière, remplace le progrès linéaire du marxisme par une eschatologie cyclique, orientée vers le divin, où l’umma transcende les divisions de classe. 

Cependant, cette synthèse porte un potentiel autoritaire, car l’islam politique, comme le marxisme, exige souvent une allégeance absolue, marginalisant les libertés individuelles. 

Maxime Rodinson note que le communisme emprunte des traits religieux – promesses messianiques, hiérarchies sacerdotales. 

L’effondrement de l’URSS a libéré un espace pour l’islam politique, qui recycle l’anticapitalisme marxiste, comme l’explore Gilbert Achcar dans “L’Islam politique : une analyse marxiste” (2016). 

Cette convergence érode les fondements laïcs de l’Europe, rendant impérative la promotion de la chrétienté, dont la synthèse de foi et de raison (Thomas d’Aquin) offre une alternative robuste pour préserver la dignité individuelle et la responsabilité collective.

Sur le plan spirituel, la trajectoire de Garaudy illumine une quête transcendante qui pourrait séduire une Europe en mal de sens, mais souligne l’urgence de revitaliser la chrétienté par l’évangélisation. 

Sa conversion en 1982, influencée par “Le Livre vert” de Kadhafi, reflète une résistance à la marchandisation occidentale. 

Garaudy déclarait : « L’islam habite notre avenir parce qu’il refuse la division entre le sacré et le profane. » 

Dans une Europe où 25 % des habitants sont « sans affiliation religieuse » (Pew, 2025), 5 000 Français se convertissent annuellement à l’islam, attirés par sa discipline communautaire. 

Pourtant, la chrétienté, portée par un élan évangélisateur, offre une réponse authentique. 

René Guénon anticipait un retour aux sagesses orientales, mais la chrétienté reste la voie enracinée pour l’Europe.

En conclusion, la trajectoire de Garaudy est un miroir prophétique. 

Sociologiquement, le déclin du collectivisme et l’essor islamique convergent, bien que l’évangélisation croissante offre un contrepoint. 

Philosophiquement, une hybridation marxiste-islamique défie le libéralisme via une dialectique hégélienne inversée. 

Spirituellement, l’islam répond à un vide que la chrétienté, revitalisée par l’évangélisation, doit combler. 

Défendre et promouvoir la chrétienté – via la Haute Culture, l’éducation, les institutions religieuses et un renouveau culturel – est impératif pour préserver l’identité européenne. 

Garaudy l’écrivait, « l’avenir n’est pas écrit, mais il appelle à être habité ». 

L’Europe doit remettre en avant ses racines chrétiennes pour éviter que le croissant ne se lève sur les ruines de ses utopies passées.

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