
Les arguments du Baron de Rio Branco ont convaincu l’arbitre suisse qui, par l’arrêt du 1er décembre 1900, a rendu un jugement favorable au Brésil.
Ce verdict a fixé la frontière maritime selon le thalweg (la ligne de plus grande profondeur d’un cours d’eau, c’est-à-dire le chenal principal où l’eau s’écoule avec le courant le plus fort) du fleuve Oiapoque et la frontière terrestre en suivant la ligne de partage des eaux du bassin amazonien, répondant ainsi aux revendications brésiliennes.

Cette victoire a consacré l’intégration définitive de l’Amapá au territoire national et, sur le plan historique, valut au baron sa nomination à la tête du ministère des Relations Extérieures, fonction qu’il occupa jusqu’à la fin de sa vie.
Le Traité d’Utrecht de 1713, mettant fin à la guerre de Succession d’Espagne, eut des répercussions majeures pour le Portugal et le Brésil.
Par ce traité, l’Espagne restitua au Portugal la colonie de Sacramento, sur le río de la Plata, et la France reconnut la souveraineté portugaise sur les territoires entre les fleuves Amazone et Oiapoque.
Cependant, l’interprétation de ce traité resta controversée, la France revendiquant environ 500 000 km², du Pará à l’est de l’actuel État de Roraima, tandis que le Portugal ne concédait à la France qu’une bande côtière au nord de l’Amazone.
Au XVIIIe siècle, la France occupa une partie de l’actuel Amapá et du Pará, territoires déclarés litigieux par l’empereur Dom Pedro II, en attente d’un arbitrage.
Dans une lettre à Joaquim Nabuco, le baron de Rio Branco ironisa sur les ambitions françaises de créer une «seconde France» en Amérique du Sud.
La découverte d’or dans le fleuve Calçoene à la fin du XIXe siècle attisa les tensions, culminant en 1895 avec une bataille sanglante à Vila do Espírito Santo do Amapá (aujourd’hui municipio d’Amapá).
Sous la direction de Francisco Xavier da Veiga Cabral, dit Cabralzinho, les Brésiliens repoussèrent une troupe française menée par le lieutenant Lunier, de la Légion étrangère, laissant une centaine de morts, dont Lunier.
Craignant une escalade militaire française, le Brésil envisagea de solliciter l’appui des États-Unis et de l’Angleterre pour dissuader la France.
Finalement, les deux parties optèrent pour un arbitrage suisse.

Selon le diplomate A. G. Araújo Jorge, le baron considérait ce différend comme plus complexe que celui avec l’Argentine.
Dans son mémoire présenté à l’arbitre suisse, Rio Branco s’appuya sur les travaux du naturaliste suisse Emílio Goeldi, spécialiste en botanique, zoologie et géologie, et sur ceux du géographe français Henri Coudreau, engagé par le gouverneur du Pará, Lauro Sodré, pour étudier les fleuves Tapajós et Xingu.
Le 1er décembre 1900, le président suisse Walter Hauser rend un verdict de 800 pages, rédigé en allemand, validant intégralement les revendications brésiliennes et contraignant la France à abandonner ses prétentions sur des milliers de kilomètres.
Cette victoire eut un retentissement mondial.
À Rio de Janeiro, Ruy Barbosa salua le baron, fils du vicomte de Rio Branco, pour avoir «doublé la gloire paternelle en réunifiant le territoire national».
Ainsi, la diplomatie brésilienne, héritière de la tradition portugaise, mit fin aux ambitions françaises d’établir un vaste département d’outre-mer dans la vallée septentrionale de l’Amazone.
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